Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AMERICA
Publicité
AMERICA
Derniers commentaires
Archives
18 avril 2008

55. La couleur du monde #1. Scarface.

55.1.   Scarface.

Chronique illogique, chronicologique, chronologique, les contretemps s’entrechoquent et plus personne ne sait comme il se nomme. Qui es-tu, qui est tu ? Il faudrait tout recommencer, au lieu de divaguer à tout va. Mais que signifie recommencement ? Vieux rêve de l’humain, recommencer tout mais mieux, revenir dans le ventre originel, dans l’océan primordial, dans le premier éclat du soleil, dans l’immonde d’avant le grand saut. Bien plus un big jump qu’un big bang.

Et si les trois premiers milliardièmes de seconde avaient duré autant que tout ce qui suivit ?

Je ne recommencerai rien, je suis sur le chemin du retour, qui me conduira à mon quotidien oublié, mon quotidien qui m’attend de pied ferme et qui ne m’a pas oublié, lui. J’ai comme l’impression d’avoir rêvé, d’être allé trop loin pour revenir sur mes pas, d’avoir mis la charrue avant les bœufs. Il manque dans ces va-et-vient continuels qui ne m’empêcheront pas de prendre l’avion à l’heure dite, il manque l’exercice de style obligatoire que je redoute d’aborder. La rédaction piège paraît trop facile et l’on s’engage avec allégresse dans une course où les perles vont enfiler les banalités, où le déjà vu va côtoyer le prédigéré, le convenu le prévisible.

Veuillez décrire en trois pages une journée complète passée sur la lèvre inférieure du Grand Canyon du Colorado à l’endroit précis où il est accessible au touriste véhiculé.

Car il faut savoir être précis. Si tu remontais ton cours de fleuve et tes érosions régressives, tu pourrais bien commencer ton canyon à la frontière du Mexique, suivre vers le Nord ton lit asséché par la ville folle, puis tourner vers l’Est et traverser les hauts territoires indiens en le ravageant d’une balafre kilométrique, et au-delà du court passage qu’on désigne par Grand Canyon car ici sont les touristes, tu continuerais ton ascension hasardeuse.

Tu longerais les grandes fresques du désert peint, un rare passage entre Nord et Sud, puis la saignée noyée qui lentement dépérit lac fou voulu par des fous, et tu parviendrais, dans un déluge de falaises ocres et de terrasses grises, à Moab où soudain tu deviens sage, où l’on te franchit à pied sans crainte ni vertige, sautant de pierre en pierre comme un gavroche égaré, ou par un pont si modeste que tu ne l’aurais pas remarqué si tu avais été Seine ou Tamise, Gave ou Tibre. Pour qui descend ton cours, c’est pourtant bien le dernier pont avant la blessure sauvage de la terre, cette grande blessure que tu lui as infligée, goutte à goutte.

Il te faudrait encore monter, gravir la Montagne pour retrouver ton big bang à toi, dans un creux de neige ; il s’en fallait de peu que tu t’épanches dans les grandes plaines. Tu as deux mille kilomètres de balafre, et non le petit bout coloré que tu as bien voulu me montrer.

Mais j’en ai vu d’autres et tu le sais.

#2 à suivre.

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Moins tu pédales plus vite, plus j'avance moins lentement et les Echappées Belles de vendredi ont donné les couleurs vraies de ton America. En regardant les vues, je lisais tes pages. J'ai au moins volé ça !
A
Le son aussi fait sens.<br /> <br /> Dans un creux de neige reste seul en piste après les tentatives. Le son, le sens, sont ceux qui seyent ici.<br /> <br /> Tuvous, je ne me souviens plus et j'ai l'air d'un son d'avoir laissé la distance rétrécir. C'est un vous, Loïs, que je vous dois.<br /> <br /> Marie, plus d'eau sous les ponts de tes fleuves coule que sous les miens.
M
Saine ou Tamis, Grave ou Libre, la dyslexie du lecteur noyé dans les attentes ...<br /> Qu'avais-tu perdu de ces pages tourmentées d'un voyage sans cesse revécu ? Temps volé. Envolée. Qu'importe mon rang puisque je sais (que je ne sais pas grand-chose)
L
Au niveau de la sonorité tu(vous) as(vez ? je ne sais plus si on dit tu ou vous ici) raison, c'est mieux ainsi. Je chipotais sur le sens parce qu'amoureuse de la neige je visualisais très bien l'image :o)
L
Magnifique ! J'aurais préféré ""dans un creux en neige" ou "dans le creux d'une neige" mais c'est subjectif :o)
Publicité