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22 juin 2007

‎49. La traversée. #4. La mare au diable.‎

Un coup d’œil à la palette des peintres en passant, encore couverte de son linceul à cette heure là du matin. Il lui faut le soleil vaincu du soir pour qu’elle éclate en arc-en-ciel et que son nom reste en deçà de sa vue. Le matin triomphant lui va mal ; tu y étais passé la veille, dans ta promenade du soir, ton tour du propriétaire, ta vérification de l’ordre des choses. Et la palette t’avait sorti le grand jeu Véronèse, Tintoretto, et Carpaccio. Tu avais bien compris que l’Italie toute entière dans sa géographie et dans son temps était nécessaire à cette vallée, et que la visite à Antonioni était obligatoire demain.

Prochain arrêt la flaque du fond. Oui, tu nous en as parlé déjà, tu as tout dit. Il ne reste qu’à y arriver, deux bonnes heures de descente insensible, il ne reste qu’à s’y arrêter pour pouvoir dire que tu y étais, que tu y fus, la photo souvenir avec ‘Aliénor et en route pour les étoiles.

Il faut toujours donner à manger aux amateurs de chiffres, ils n’aiment pas la monotonie des paysages fabuleux, ils n’aiment pas les répétions de superlatifs et les extases de chromos galvaudés, les images d’Epinal surtout quand elles ne sont pas de cette bourgade, tout ce qui m’aurait extasié si j’avais voyagé et si tu m’avais mieux raconté. Comme l’ennui paraît, tu me les donnes, ces chiffres, à onze heures du matin, cinquante et un degré Celsius sous abri, quatre-vingt six mètres sous le niveau de la mer, à trois cents miles de la ville la plus proche, qui n’est autre que Las Vegas. Ce n’est pas au bord de la mare au diable que se trouve l’enfer.

La mare, en effet. Tellement improbable et venue de rien que tu t’en étonnes encore, cinq ans après. Cette eau plutôt fraîche, toujours claire et qui ne s’évapore pas. Peuplée dirait-on, de ces coquillages translucides, ou crevettes, ou extraterrestres. Coquillages et crustacés. Le diable tapis au fond de la mort a de l’humour, en Amérique.

Faut-il le dire, un éclat de rire en chasse un autre. Un car de touristes surgit de nulle part et s’arrête. En descendent une horde d’appareils photos. Rien que des parisiens, dis donc. Tu as l’air malin avec ton exotisme. Les images d’Epinal sont revenues en force et le diable de ce vauvert n’a pas encore fini de rire.

Tu t’étais habitué à la température, depuis hier. Tu es resté dehors à profiter du spectacle ; vite tout le monde est remonté dans la machine à fraîcheur pour retrouver la route du nord d’où tu venais. Le silence est retombé pour n’être plus trahi que par les siens, le vent qui lève la poussière, l’infime clapotis de l’eau magique, et l’odeur de soufre. Il le faut bien, que le diable sente le soufre.

Oui, il est des odeurs qui brisent le silence.

Hormis un arrêt tortilla et café à Shoshone, trois maisons de bois délabrées et cinq indiens taciturnes, dont le mérite est de signaler au passant qui monte qu’il est sorti du trou et à celui qui descend qu’il doit laisser là toute espérance, plus rien ne s’opposera à votre arrivée grandiose dans la ville de toutes les lumières et de toutes les arnaques afin de vous loger dans la grande pyramide.

L’enfer le vrai, l’enfer des étoiles. Las Vegas.

49 FIN.

50 à suivre.


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Commentaires
M
Des hommes à plumes, des hommes déplumés, des indiens taciturnes qui se sont fait plumer à Vegas et ailleurs ...
M
Ta palette des peintres me fait irrésistiblement penser à Soobash l'étudiant Mauricien qui avait apporté les terres colorées de Chamarel dans un tube à essais - un arc en terre de sept couleurs.
M
Je lis à rebrousse-poil et je commente à reculons. D'abord il fait chaud, ensuite tu nous coupe l'herbe sous le pied avec ton 49-3 que j'avais repéré à a fin du 49-2. Souhaitons que Vegas nous apporte une ambiance kitch de noces fulgurantes ....
M
Donner à boire aussi ...
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