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18 juin 2007

‎49. La traversée. #3. Le fourneau : en sortir.‎

Oui, il me fallait un article 49.3; je ne vois pas de quel droit il serait coincé entre les mains de quelques uns pour faire taire le grondement. Alors, vas-y.



Deux heures plus tard, nous arrivons à Furnace Creek, pour dîner et dormir, au frais.

A trente cinq degrés de bouillon de culture en début de matinée, la piscine paraît fraîche. Il est neuf heures et tu as déjà parcouru plus de cent cinquante kilomètres. Cent miles, si tu préfères parler l’indigène. Tu avais esquissé un départ en catimini, avant l’aube, pour atteindre à temps les lieux de contemplation aurorale et assister à la prise de pouvoir d’Apollon. Là haut, dominant l’étendue encore noire de l’enfer, tu as côtoyé un photographe plus matinal encore, armé de tout un attirail que n’aurait pas renié Atget, chambre avec vue en quelque sorte.

Tu te croyais tout fier avec ton 456, et voici que le gigantisme te dépassait en ce temps de miniaturisation frénétique. Beau joueur, tu lui as laissé la place qu’il avait prise de toutes façons. A plus de mille six cent mètres d’altitude, alors que prudente venait la lumière, tu apercevais ta vallée du Nord au Sud sortir du néant et prélasser à ton regard ses ondulations de pierre, que l’affadissement des ombres faisait doucement danser. Chaque matin le photographe chimérique venait ici depuis plusieurs semaines pour quinze minutes de régression nocturne, attendant l’illumination divine. Tu ne sauras jamais ce qu’il voulait pêcher.

La vision de Dante, peut-être.

Pendant qu’il combattait son matériel pour le replier dans une sacoche de moto, tu es reparti bien vite, un peu sacrilège devant la splendeur planétaire, mais tu avais une bonne raison : il ne fallait pas manquer ton rendez-vous italien. Tu en es excusé, d’autant qu’il n’est point besoin d’un déluge de photographies pour se souvenir de ces rochers noirs qui abandonnent la nuit noire pour revivre leur minéralité scintillante. Il suffit même d'une seule photographie, mais la bonne.

Mine de rien, mines de bore, on en sort vite de la vallée, pour y retomber aussi vite.

Nous sommes ainsi redescendus, nous avons dévalé la pente raide et contourné la mine et ses wagonnets rouillés. Nous sommes arrivés à temps à Zabriskie Point. Quand je te disais Italie, je savais de quoi je te parlais. Antonioni n’est pas loin d’Alighieri. Et le cinéma d’Art et d’Essai bien proche parfois du Western. Nous avions en descendant remonté le temps, et retrouvé le noir. Deux aurores pour le prix d’une : à loisir nous avons contemplé l’aventure de chaque matin, toujours aussi étonnés de voir que le soleil finit toujours par gagner la bataille, à cette heure là du moins, le combat du rouge et du noir. Et nous avons pu nous attarder sur la splendeur planétaire comme un oral de rattrapage.

A neuf heures, tu prenais ton bain glacé dans la piscine, je l’ai déjà dit.

Petit déjeuner et plein d’essence, chacun eut sa ration de calories. Un dernier salut aux rangers, et en route pour sortir du trou, quitter le fourneau, le ruisseau du fourneau, furnace creek. Peu imaginatifs, les pionniers qui ont donné les noms, mais tu ne vas pas chipoter, un ruisseau de laves encore chaudes du soleil ne peut se confondre avec un gave. Qu’avions nous besoin de redescendre quand nous étions déjà sortis ce matin ? Mais il était écrit qu’il fallait traverser l’enfer dans le sens de la longueur avant. Sinon qu’aurait valu notre visite, et Belzébuth en aurait été très vexé, je n’aime pas vexer les anges. C’était écrit, dans le grimoire d’avant le départ, point.

à suivre.

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Commentaires
M
Bain glacé dans la piscine et séchage au dix-huit trous ?
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