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27 juillet 2007

50. Les lumières de la ville. #1 - La statue de sel.

La statue de sel.

(version corrigée) 


Il y avait erreur de jugement et inversion des rôles : les apparences sont trompeuses, et le paradis ressemble parfois à l’enfer pour mieux vous enfermer. En entrant dans Las Vegas, vous comprenez qu’il est déjà trop tard et qu’ici vous devez laisser toute espérance, vous comprenez qu’il est trop tard pour revenir à Shoshone où vous attendait votre place au paradis, un petit fauteuil à bascule au bord de la route surchauffée, paisible et définitif.

Autant le dire tout de suite, j’aimerais mieux mourir à la mare au diable que vivre à Las Vegas, et plus encore vivre à Furnace Creek et Shoshone que mourir entre la Grande Pyramide et le Palais de César.

Je ne vois pas ce que je peux raconter, à moins de me lancer dans d’oiseuses considérations sur le contraste entre l’austérité désertique, l’ascétisme purificateur, pétrificateur, et le clinquant de la vie artificielle toute encordonnée aux fils électriques et aux canalisations d’eau, la vie qui bouge. Un beau sujet pour Finkalain le causeur du poste, qui avec raison viendrait ici dénoncer en toute satisfaction la défaite de la pensée et montrer à la face du monde sa supériorité d’homme lucide et courageux, son goût des portes ouvertes et des lieux de laisser-aller. Il finira par leur ressembler, au fond ; il leur ressemble déjà. Je me méfie de la purification désertique et de ses cortèges ascètes.

Je ne suis pas certain que mon esprit soit vraiment entré dans la ville, mais pas certain du contraire non plus. On ne pense pas, à Las Vegas, on ne pense pas. Dois-je finir mon couplet en plagiant Jacques Brel, genre « on ne pense pas on joue » ? La belle affaire, le beau plagiat, alors que je ne sais pas si l’on joue à Las Vegas. Est-ce du jeu, ce qui s’y pratique ?

Il y a longtemps qu’on ne pose plus ici la question de Coluche, « quelle est la différence entre un pigeon et tu joues avec ton argent » ? Il y a belle lurette que le jeu d’ici n’est plus jeu. Jeu est devenu Je, Je est devenu Jeu, à Las Vegas. Je s’est englouti en riant dans les poches des grands mamamouchis du puritanisme caché, de la liberté dévoyée, de la névrose industrielle. Las Vegas : je suis passé par ici, je suis passé par là, et jamais je n’ai senti autant la puissance de l’enfer.

Toute la ville survit aux crochets d’un grand barrage célèbre qui lui fournit l’eau et le jus. Un jour le Boulder Dam s’écroulera et en quelques heures disparaîtra ce furoncle, que jamais je ne nommerai Vegas comme le font ceux qui roucoulent leurs airs mécaniques, à faire croire qu’ils sont de ses familiers, simples marionnettes clignoteuses, trois petits tours et puis hop, la mort minuscule.

 

Je me changerais volontiers en statue de sel pour assister à cet anéantissement.

à suivre.


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Commentaires
M
C'était quoi le pire ? devrais-je faire travailler mon imagination ? écrire que tu as succombé ? je connais tellement de gens qui vont là-bas exprès ...
A
Qui lira verra.<br /> <br /> Marie, non seulement je n'ai rien dit à haute voix mais encore j'ai fais pire.<br /> <br /> La statue de sel n'était pas de marbre. Le corps avait perdu l'esprit, ou plutôt ne l'avait pas suivi.
M
As-tu dit à haute voix : je ne reviendrai jamais !<br /> c'est mieux que statue de sel, même pour assister.
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