21. La Pierre jaune #1.

21.1               Je suis le plus grand volcan du monde.

Je suis posé là comme un gros furoncle d’Amérique, noir en pied blanc de tête, et si on appuie pschitt je fume. Je me moque du qu’en dira t’on. Qui craindrais-je ? Deux cents kilomètres de diamètre à ma base, bien enchâssé dans les montagnes minuscules autour de moi que je domine de la tête et des épaules, même les forêts s’essoufflent à m’escalader dans mes éboulis et mes coulées, elles s’arrêtent en chemin. Je culmine à plus de douze mille mètres, plus tard on s’extasiera sur un nain de huit mille huit cent et quelques, et ce nain n’existe même pas encore.

Il faudra d’abord que l’Afrique aille balancer un gros morceau de corne dans le bouclier russe.

Dans mes entrailles gronde le feu de la terre, un énorme chaudron agité de cinquante kilomètres de long sur trente kilomètres de large, et je ne sais même pas la profondeur de mon estomac de laves. Toutes les centrales nucléaires du monde y disparaîtraient sans laisser de trace, pas même un début d’augmentation de ma radioactivité naturelle.

Pourtant, je suis un peu nerveux, ces derniers temps. Les montagnes ridicules qui m’entourent veulent se promener. Celles-ci veulent partir vers le Nord, celles-là de l’autre côté. Elles se disputent, et me tiraillent dans mes fondements. Quelle idée aussi de vouloir déplacer chaudron qui bout, surtout quand les porteurs veulent partir chacun de son côté.

Je les avais prévenues. Des fissures sont apparues dans mes flancs. La lave a voulu sortir trop vite, sans aucun bison futé à cette époque pour empêcher les bouchons. Le bouchon était inévitable, et comme on continuait à pousser derrière, j’ai explosé. Je ne fais jamais les choses à moitié. Ce fut la plus puissante explosion de l’histoire de la terre, j’aime tant en être persuadé que je me le répète tous les matins. Le ciel a été obscurci pendant trois fois le tour du soleil, et il a fait si froid que j’ai bien cru ne jamais revoir de lave liquide.

(n°2 à suivre)

Comments

[Marie]

Il était le plus grand ... comme quoi tout a une fin. Je suis une obsidienne de trois grammes et demi.