52. Pélerinage et navigation #4-Retour sur terre, sur l’eau.

Retour sur terre, sur l’eau.

Il faut laisser derrière soi la montagne de souvenirs. Mille photos ne suffiraient pas à la ranimer même avec un pareil arc de triomphe, mille mots à la recréer même en alexandrins du plus pur parnasse ; il faudrait la rendre présente, ou mieux encore, qu’elle redevienne un projet, qu’elle soit encore dans le néant d’où elle sortira. Ce qui doit venir maintenant que le passé s’est enfoui n’est pas une nouvelle ascension vers son sommet endormi, mais une nouvelle invention dont elle accouche, une nouvelle souris. Blanche ou grise, Algernon ou Mickey, à toi de choisir. Un rat, dégoûté.

Pas de magie ni de rêve sur le chemin du retour. Le capitaine impatient repart dès le dernier pied du dernier passager posé sur le rebord, il veut finir la tournée avant la nuit. Remplir son contrat au cheveu près. Solennité retrouvée, ronronnement, baignade opportune, coucher de soleil sur le désert peinturluré de paix. Je ne sais plus si Painted Desert est par ici ou par là, la montagne de souvenirs s’érode déjà, mais qu’importe au fond l’exactitude colorée.

Les ombres ont repris leurs droits, elles s’étalent et se vautrent, et le soleil n’y pourra rien qui doit abandonner sa place arrogante à la nuit tiède. Les lumières de la ville viennent habiller l’horizon du plateau, et celles du barrage l’horizon de l’eau. Le bateau docile mettra encore plus d’une heure à franchir le dernier bassin plus grand qu’il n’y paraissait de jour, sous le seul éclairage oxymore des étoiles.

La lune des Navajos nous fera grise mine et attendra le matin pour pâlir son dernier quartier.

FIN de pèlerinage et navigation

.

Comments

[Marie]

Un chaud-froid de pélerin parce que la lune n'appartient à personne. Tu me donnes envie de peindre tes paysages, c'est tellement précis !