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17 août 2007

50. Les lumières de la ville. #3 - Second barrage.

Fuyons vite, et loin. Laissons les espaces aux espaces, gagnons du temps. Je pourrai plus tard revenir sur les lieux comme fait l’assassin, retrouver mon corps apaisé errant dans la nuit des lumières clignotantes, et le reconduire à la frontière. Mon esprit a déjà posé ses méninges au-delà de l’autre barrage. De l’autre côté de la page, à Page.

Ce n’est pas si simple, il faudra en parler lorsque je n’aurai plus le diable à mes trousses, de mettre un désert entier entre moi et lui. Une infinité d’heures de désert, comme un trou noir de mémoire d’où surgissent comme d’habitude des rochers photogéniques, des ciels blancs de chaud, des buissons qui n’amassent pas mousse, des lignes droites qui sont à nos lignes droites ce que sont les Champs-Élysées à la rue du chat qui pêche, pour finir fatigués mais saufs chez les attrapeurs de rêves.

Encore un barrage, encore un lac, encore des terres noyées, terres sacrées mais noyées. Ils ne parviennent même pas à le remplir, leur lac. Il lui manque vingt mètres, la terre est rétive, elle avale l’eau ou l’eau se refuse, ou les deux à la fois, les Dieux de la pluie et le Dieu de la perméabilité se sont concertés.

D’ailleurs rien ne pousse sur les rives de cette eau providentielle depuis vingt ans qu’elle est là. Ce n’est pas un débit de lait, c’est un déni d’eau. Oui, on sait qui l’emportera, de l’homme tout puissant ou de la terre inflexible. Et pourtant, quel bel exemple de prouesse, d’énergie renouvelable, et d’espoir de vie dans le roc.

Verdure, fraîcheur, fruits et légumes, lente montée de sève par l’humus naissant, montée de la vie, du désir de vie, du désir, lente apparition du cycle d’où nous procédons. Le rêve des conquérants est beau, mais le rêve devient ville silencieuse et poussière d’attente vaine ; Page la ville endormie et pauvre, construite pour loger les constructeurs, attend cette naissance en rongeant son frein et les petites variations du niveau du lac Powell sont plus importante pour elle que les prévisions météo immuables, que la rumeurs des guerres lointaines, que le bruit des tours qui tombent.

Quelques décimètres perdus, ce sont trente familles qui s’en vont, et qui ne reviendront plus. Que vont devenir ceux qui restent ? Fils des ouvriers du béton, des ingénieurs enrichis, des vendeurs de lunettes protectrices ou de chiens chauds de pause de midi, dans leur bâtisse hâtive et grise avec pelouse jaune paille, leurs femmes filles des mêmes, derniers possesseurs d’un eldorado aussi vain que les filons d’or de Deadwoods, qui aurait pu surgir un beau matin pour peu qu’il ait plu longtemps au Nord-Ouest de Denver là où jaillit la rivière colorée, dernier rêve perdu des derniers visages pâles devant la terre noyée mais résistante, que vont-ils devenir ? Impassibles, les derniers des Mohicans ici on dit Navajos, attendent sur l’autre rive ; ils viendront reprendre leurs terres stériles et sacrées sitôt disparu à l’horizon le dernier Pick-Up chargé de balluchons tristes, sans un regard pour les derniers squelettes que se disputeront les vautours.

Il n’est pas toujours facile des les attraper, les rêves.


FIN de 50.


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Commentaires
M
C'est la terre qui l'emportera, c'est une affirmation depuis mon concentrateur de nouvelles du jour. Où sont les tribus ? dans quels rêves ?
M
Les rêves : maladie ou potion magique ? à coup sûr un remède à l'ennui, aux soucis.
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