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24 novembre 2006

‎41.3. Colombus #2.‎

Nous avons passé la soirée dans les parages. Nous avons su que le quartier était un peu italien. De nombreux restaurants s’ouvraient dans les rues étoilées autour du nombril et débordaient sur les trottoirs. Rien d’original, mais une familiarité comme souvent que nous n’identifions pas spontanément et qui rend un lieu aimable. Sans savoir alors vers quoi nous devions aller, nous avions réservé depuis la veille une table dans un de ces restaurants, simplement pour avoir noté sur une affichette croisée par hasard sur un mur de je ne sais plus où qu’il y a avait quelque part un trio de jazz qui accompagnait les dîneurs, ou l’inverse.

Nous n’étions pas arrivé ici par errance ni par erreur, mais poussés par une affichette déjà oubliée.

Nous avons trouvé sans mal la table que nous cherchions dans la rue qui descendait vers le port à partir du carrefour, et cette table était mise à l’intérieur. Les terrasses bondées ne pouvaient nous accueillir mais on n’y entendait plus la musique car tout le monde parlait parlait parlait parlait, quand l’intérieur était calme et recueilli. On nous avait dit qu’on y mangeait bien et nous avons bien mangé.

Comme la chère, le jazz était de qualité. Le serveur m’a répété quatre fois le nom du pianiste qui n’apparaissait nulle part, ni affiche ni affichette pas même celle entrevue la veille, je n’ai pas réussi à le comprendre et je n’allais pas le redemander sept fois, le combat était perdu d’avance et le risque de faire tomber les remparts trop grand. J’aurais dû lui tendre un papier pour qu’il l’écrive. Il est peut-être célèbre aujourd’hui, ce pianiste, et je pourrais bomber le torse en prétendant l’avoir découvert moi-même au fin fond d’un boui-boui d’une ville obscure avant tout le monde.

Mais je ne connais pas seulement son nom. Alors pas de torse en vue ni de proclamation d’estrade. Il méritera de devenir célèbre et n’a pas besoin de moi, cet excellent pianiste, vif et imaginatif, pour la plus grande joie des amateurs de musique syncopée, d’improvisations bien tempérées, de contrebasse confortable, de batteur modeste. Rien n’est plus rare qu’un batteur modeste. Ils devaient à eux trois ne pas dépasser le sexagénaire. Je ne vais pas crier au génie, tout le monde crie au génie au premier marmot qui glousse, mais je me désole de ne pas avoir pu sauver son nom de mon silence.

Nous étions bien, ‘Aliénor et moi, dans ce restaurant. Nous étions vivants, heureux de l’être, heureux de cette ville, et incrédules que ce soit bien nous qui fussions là.

Je ne sais pas comment nous sommes revenus au Vagabond Inn, de l’autre côté des collines. Un taxi, je suppose, mais allez savoir. Nous avons peut-être volé dans la brume légère du Pacifique, ou marché sur l’eau de la baie, sans pourtant rien avoir bu ou fumé de prohibé.

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Commentaires
M
Se sentir bien et en faire bénéficier les autres, un pur moment de béatitude.
M
Prohibition ? ça existe toujours ? j'en conclus que tu as bu et fumé tout ce qui est permis, le jambon par exemple. Le bonheur donne des ailes c'est bien connu.
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