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6 décembre 2005

23. Tétons #1.

23.1 Nous pouvions repartir. 
                                La neige avait fondu en deux jours et la sève reprenait ses droits. ‘Aliénor allait devoir s’habituer à la bronchite qu’elle avait cueillie dans les cahutes en bois pompeusement dénommées frontier cabins. Maintenant que nous avions passé la ligne de partage, le continental divide, plus question de regarder en arrière. Dans ce pays, quoi qu’il arrive, depuis quatre siècles qu’on se le répète, c’est à l’ouest qu’il y a du nouveau.

Nous sommes donc partis vers le sud.

Depuis Cody, la mue était achevée. Nous n’en avions pas conscience en traversant les grandes plaines du Minnesota, les immensités indiennes de Rosebud et de Pine Ridge, les plateaux désolés de Little Big Horn. Nous baignions dans un exotisme familier et nous savourions la découverte philosophique d’un monde plus grand que nous. Nous nous demandions, sans trop nous l’avouer, sans nous l’avouer du tout, à quelle sauce il allait nous dévorer.

Le train nous a pris en marche comme nous sortions de Yellowstone, sur les routes sèches que nous avions suivies blanches deux jours avant, dans ces paysages déjà vus que nous traversions et pourtant si différents, en vivant le printemps deux jours après l’hiver au même endroit : nous n’en avons pas été étonnés, comme si nous étions désormais chez nous.

Nous étions comme celui qui revient de loin et qui, approchant de la maison, retrouve la route familière, le virage toujours engravillonné et le carrefour dangereux, et reprend sans y songer les gestes de prudence, ne pas déraper, attention le trou encore raté ils ne l’ont toujours pas réparé, et le vieux pont de métal qui gronde sous les roues. Du sang américain coulait déjà en nous qui n’avions rien demandé, rien souhaité, et qui n’étions là que pour quelques semaines.

Alors vous pensez, ceux qui venaient par ici avec un aller simple, comment auraient-ils pu résister, à supposer qu’ils l’aient voulu ?

Je me demande encore comment l’infiltration s’est produite, et quand elle a bien pu commencer. Des hypothèses me viennent à l’esprit, spontanément, des évidences me submergent. Mais Talleyrand me l’avait dit en son temps, de me méfier de mon premier mouvement, le bon, et un réflexe vieux de 10 000 ans en avait rajouté une couche, de ne pas admettre l’évidence, ce piège attrappe-tout.

(à suivre)



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Commentaires
M
Faire patienter le public ..<br /> Il patiente.
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