42.3 - Les pieds dans l’eau.
C’était au moment où nous jetions un dernier regard au grand pont rouge ; le brouillard s’est levé soudain avec la lumière subite de l’aurore, et nous avons oublié notre petit cinéma intérieur dans le déluge de technicolor pour de vrai. Nous avons arrêté le moteur qui protesta, et nous avons contemplé cette magie de carte postale, le cœur battant et les larmes aux yeux. N’exagérons pas trop, tout de même.
Nous sommes descendu sous la culée pour toucher les pieds du géant, nous avons vu passer lentement le premier bateau du matin, chargé de conteneurs jusqu’en haut des mâts et d’un équipage probablement philippin, nous sommes remontés à la voiture essoufflés par le long escalier, mais ce n’était pas l’escalier qui nous essoufflait, et nous sommes enfin partis, très lentement sous prétexte que le moteur était froid.
Nous avons suivi sans chercher le moindre raccourci tous les méandres de la route qui nous permettaient de rester au plus près de la mer, contournant des bâtiments célèbres, longeant des parcs cinégéniques, jusqu’à enfin trouver ce Pacifique que nous avions défié il y a quatre jours juste avant d’arriver, dans le Marin County et un vent à décorner un bison.
Nous avons trouvé la plage, la plage enfin, déserte à cette heure matinale et frisquette, séparée de la route par un petit
muret de station de mer du Nord, nous avons franchi le muret, retiré nos
chaussures, ourlés nos pantalons jusqu’aux genoux ; nous avons trempés nos
pieds dans l’Océan Pacifique. Ce n'était pas si difficile, finalement.
La ville venait de nous libérer. Nous pouvions enfin vraiment partir.
FIN DE LA QUATRIEME PARTIE : SAN FRANCISCO.