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27 octobre 2006

‎40.5 – SAUSALITO.‎

Le Trident est à Sausalito, il est installé sur ce port où je fus et que je te raconte aujourd’hui. Il doit être une de ces bâtisses flottantes, semblables à tout sauf à des bateaux, et par le hublot sort la musique. Elle en sortait sûrement, la musique de ce hublot, et je suis passé devant sourd et aveugle, dix mille kilomètres pour ne pas voir ce que j’aurais dû chercher dès le début. Le Trident.

Je découvre cette réalité trois ans après mon retour, et seulement parce que j’avais mis sans réfléchir sur l’ancienne platine le dernier disque alphabétique de ma collection. Sur le boulevard qui longe le port, je suis passé à trois mètres de la bouée sans la voir ; c’est bien fait, déjà que je ne la voyais pas à 30 centimètres sur la pochette. Les dernières notes de musique en sont restées sans voix. J’ai marché sans savoir sur le terre-plein central où Chet Baker fut agressé en sortant du club et perdit les trois dents qui allaient changer sa musique.

Mais aurais-je changé ma vision du boulevard et de la bouée, si j’avais su tout cela, moi qui n’aime pas trop Chet sauf quand Gerber le raconte ? Si j’avais su que les autres, tous ceux qui se dandinent dans mes casiers de galettes noires, marchèrent aussi sur ce terre-plein ou en face pour vomir dans l’eau sale qui clapote leurs angoisses, leurs excès, leur joie aussi. Le grand Charles ; le beau Stan ; le dandy Miles ; le brillant Dizzy ; l’oiseau ; le Président et l’Aigle ; des milliers, ils sont des milliers à me cacophoner le tympan et je ne m’en lasserai jamais. Si je ne les entends plus, je suis mort. L’aurais-je vu autrement qu’en touriste distrait, ce boulevard ordinaire ?

Au moins, j’y ai mangé des huîtres du cru, vraies de vraies, et je te livre un secret : elles sont moins bonnes qu’à Saint-Vaast.

Vous tous, jazzeux qui avez joué là, qui m’avez enchanté les oreilles depuis si longtemps que je ne fais pas mon âge, que vous soyez Getz ou Mingus, Baker ou Davis, Gillespie ou Bird, Lester ou Coleman, Denny Zeitlin enfin, et je ne te parlerai pas du moine qui rôde, j’espère que vous continuerez de m’enchanter après cet aveu d’ignorance.

Nous sommes revenus de Sausalito au coucher du soleil, et ne compte pas sur moi pour te raconter le Golden Gate Bridge vu de la baie en contre jour du soleil couchant. Ce serait trop facile, non ?

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Commentaires
M
J'aurais juré que, mais ma mère m'a dit ce n'est pas beau de jurer et maintenant j'ai un doute .. ou alors c'est le soleil couchant, va savoir !
M
Et même si c'est trop facile, j'attends le racontage du pont au soleil levant.
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