39.2 – Chinatown (suite).
Article 2.b) Je me souviens du monde sur les trottoirs et la chaussée, bien plus serrés que dans tout autre secteur de la ville, autant qu’à Paris Madrid Rome mais bien moins qu’à Tchoung-Qing ou Taipei ; j’ai vu des films sur Tchoung-Qing et sur Taipei.
Je me souviens des immeubles colorés certes plus hauts que dans le reste de la ville résidentielle avec leurs inévitables escaliers de secours mais moins que dans le Financial district. Toutes les villes américaines ont un quartier de gigantisme, et le reste est si bas. Un peu de verticales folles pour tant d’horizontales éperdues.
Colorés, pour être colorés, ils l’étaient. Juxtapositions des teintes à réjouir un expressionniste allemand ou un tagueur de quartier. Vais-je continuer avec des je me souviens ? On va m’accuser de plagiat, non ? Vous par exemple, qui me regardez d’un air myope, je devine à qui vous pensez. En cela nous sommes d’accord, nous pensons la même chose. Et je continuerai si je veux, le talent en moins.
Il y a profusion d’enseignes qui s’enlacent, écrites en chinois je ne peux distinguer s’il s’agit d’une enseigne unique de deux cents mètres de long, ou deux cents enseignes concurrentes.
Nous sommes restés plusieurs heures à Chinatown. Elle est assez vaste pour y errer des heures et des jours sans jamais repasser par le même point. Je me souviens de toutes ces choses que j’ai déjà dites, et de bien d’autres, ces petits parcs inattendus ces échappées vers les tours verticales et la grande pyramide, les oiseaux encagés et les oiseaux libres, la librairie française juste au coin de la rue tenue par une porte de prison digne d’un bistrot parisien, les boutiques au bonheur de ‘Aliénor, la profusion.
Une seule chose émerge de ce mélange de souvenirs incertains : derrière ses oripeaux exotiques, ses couleurs criardes, ses piétons agglutinés, ses boutiques clignotantes de colifichets, sa peau colorée, cette ville est une ville d’Amérique et de nulle part ailleurs.
Fin de l'article 2.