39.0 - La ville.
Préambule.
Nous y voilà. Je peux gesticuler tant qu’on voudra, je peux prendre une mine de circonstance et affûter mes crayons, il n’y a pas d’échappatoire, je vais devoir vous raconter San Francisco. Tout le monde connaît San Francisco. Tout le monde y est passé, y reste, ou y passera, en vrai ou en film, ou il a un copain qui en revient vite ou tard, tout le monde connaît le Golden Gate Bridge, Alcatraz, Fisherman’s Wharf, Chinatown, Lombard Street. Tout le monde connaît tout de San Francisco. De quoi vais-je avoir l’air, ici, à prétendre découvrir la lune où tout le monde est arrivé avant moi, où chacun a planté son petit drapeau, territoire réservé, alors que moi rien, j’ai trop traîné sur le sentier des indiens ?
Le destin de San Francisco est d’appartenir à tout le monde. Mais chacun n’a d’elle que ce qu’il lui a donné. Et ce qu’il croit lui appartenir lui a coulé des mains à l’instant même où il pensait s’en saisir.
On ne peut pas ne pas en parler. On va préparer la longue liste de superlatifs indispensables, la litanie des béatitudes, la mélopée du bonheur ; on va ennuyer tout le monde ; on va ennuyer longtemps, interminablement, et quand on aura fini, personne n’en saura davantage sur la belle qui étale ses charmes ostensibles pour mieux garder ses secrets, personne, ni les gens, ni vous, ni toi ni moi.
Je vais, par conséquent, vous parler de San Francisco et de ses lieux communs.