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15 mai 2006

‎36. La langue anglaise.‎

Nous étions couverts, les cousins nous avaient prévenus. Nous avions même de petits coussins pour compenser les bancs d’époque eux aussi. J’avais bien révisé ma leçon et lu attentivement les soirs de motels de quoi il retournait en version française. Une histoire de complot d’un frère contre son frère, d’exil, de renégat, de belles héroïnes aimantes et pourchassées, de beau-frère louche, enfin voilà ce qui m’en reste aujourd’hui, sur fond de chansons et de poèmes décalés et hors de propos sans l’être vraiment, chacun se moquant de lui-même et des autres. Tout est bien qui finira bien.

La bouillie pour chat qui sert de langage dans ces contrées a disparu, elle a fait place à une diction parfaite d’un anglais compréhensible. Je l’ai jugé tel depuis mon coussin. La vérité m’oblige à dire qu’il s’agissait d’un travail très soigné de reconstitution de l’anglais d’alors sans être trop intégriste, à la façon de la Royal Shakespeare Company qui officie à Stratford-On-Avon. Du coup, bien aidé aussi par ma science toute neuve du texte, je comprenais cette langue. Tous n’ont pas eu cette chance.

La cousine américaine du l’Oklahoma (mais ne serait-ce plutôt l’Arkansas ?), m’a demandé à l’entracte de lui résumer la première partie. Son job était de parler français et d’enseigner aux parleurs de bouillie à parler français et elle faisait très bien son job. Pourquoi voudriez-vous qu’elle ait soigné son Oxfordien ? Je ne pouvais ni me moquer ni lui en vouloir, elle connaissait mieux Molière et Stendhal que William S., petite revanche de froggie sur l’Arkansas et l’Oklahoma réunis. Elle portait le fer de la francophonie au tréfonds de l’Amérique. Personne n’est parfait.

Je lui ai donc expliqué les intrigues et les chants de la première partie, en inventant ce qui m’avait échappé. Je faisais le malin bien que je n’aie pas tout suivi, surtout ne dites rien. Mais c’était mon tour d’être Amphitryon et je goûtais l’instant. Une fois remis le puzzle dans le bon ordre, ce fut elle qui à son tour m’expliqua ce qui l’avait tant intriguée pendant la première partie et qu’elle comprenait maintenant ; elle m’expliqua le rôle fondamental que prenait soudain à ses yeux l’actrice principale qui jouait l’héroïne aimante et proscrite, une actrice d'une grande beauté noire. La fable venue de l’Angleterre du seizième siècle prenait une force inattendue que je ne mesurais pas, même si je pouvais me la formuler, et le vieux monde dont je suis, à travers le temps et l’océan, donnait ce soir là une leçon au nouveau.

Je dois dire autrement : le nouveau monde utilisait les outils de l’ancien pour se donner une leçon à lui-même, ne nous faisons pas vertueux à peu de frais.

La fantaisie égarée des poèmes et la nostalgie cruelle des récitatifs étaient autant de flèches acérées dans la voix noire que les indiens du cru n’avaient pas su décocher lorsqu'il aurait fallu. Je croirais volontiers celui qui me dirait que le metteur en scène était lui aussi noir ou indien et que William S. s’était préoccupé de leur sort il y a longtemps.

Mais je n’ai pas vérifié ce point.

à suivre.

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Commentaires
M
Je ne suis as en mesure de réciter par coeur et il traîne encore de nombreux vides, tu sais le trou avec un tour, sans tour pas de trou - jeu de lettres
M
Un seul silence m'inquiète mais tu n'y peux rien ... pour attendre tes causeries, je patienterai le temps de patienter, j'ai déjà fait mes preuves.
M
La fantaisie égarée, la langue anglaise négligée sans nostalgie, un moment de pure poésie à se réconcilier avec le nouveau monde ...
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