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28 avril 2006

34. Ô lac.

Je n’avais plus à conduire de trois jours. Je pouvais librement laisser s’émollier la raideur, et ne plus penser pendant ces heures propices. Suspendre mon cours, tel un Lamartine du bout du monde pour ainsi dire. Pour ne pas mieux dire en vérité, car de Lac et de Littérature la journée va être remplie à un point que vous n’imaginez pas.

 

Nous finirons par Shakespeare qui attend derrière le rideau. Il a montré le bout de son nez dans mon histoire, il va venir lui-même nous charmer. Mais avant le prestige de l’anglais, le vol du poète, le Lac. Une bonne dizaine d’heures nous séparait de William et de son globe, nous pouvions parcourir les cratères de la région et le Lac du même nom.

 

Parce que figurez-vous qu’il lui fallait mériter l’injonction célèbre mais fausse qui fait tant rire les potaches. Perchée au sommet d’une montagne comme un lac de Joconde, une gigantesque cuvette recueille la neige et la pluie d’où rien ne sort sinon une lente évaporation, curiosité volcanique qui doit faire la joie des instituteurs du cru, expliquez moi sachant que l’évaporation ceci et les précipitations cela comment le niveau du lac reste figé depuis environ sept cent mille ans et quelques heures.

 

Nous voici sur la route à travers la forêt. Je dors pendant qu’on me conduit, paresse magnifique. Parfois je lève une paupière, et défile la tranchée creusée dans les pins. Ce ne sont peut-être pas des pins, mais une paupière entrouverte a des excuses, non ? Droit devant, le haut de la côte mais loin loin, à gauche les sommets coniques pour nous rappeler qu’ici rien n’est stable, et à droite lorsque la route hésite entre lisière et mi-pente, l’étendue du désert où nous étions la veille et qui rampe à nos pieds. Immense mais petit finalement, ce monde, pour peu qu’on prenne de la hauteur.

 

Combien de temps avons-nous roulé ? Deux heures, trois heures ? Nous voici dans la neige. La route est sèche mais enserrée de deux murailles blanches, la forêt a pris un air de conte de Grimm. Il ne faudrait jamais dormir en voiture dans ces contrées sous peine de changer de planète entre deux rêves, quand parfois trois jours durant le même paysage impassible passe.

 

Nous sommes à Crater Lake, dans son écrin d’hiver, juste là en contrebas, deux cent mètres ah quand même, lisse et noir. Ici et là, des taches d’émeraude ou d’améthyste. Crater Lake et ses bijoux ne mène à rien, il tourne en rond, il n’a pas attendu Lamartine pour se pendre. Crater Lake est beau. Son eau immobile nous a fait oublier les poètes convoqués ici, et nous sommes entrés en contemplation au lieu de réviser le texte de la pièce du soir, comprendre les chants, analyser l’intrigue, tenir les aboutissants, et retrouver une langue enfin digne de ce nom.

 

Le lac a sous nos yeux suspendu son vol, et c’est le temps qui s’est trouvé pris de court.

Nous avons fait un bonhomme de neige et nous sommes rentrés à la maison.


à suivre.

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Commentaires
M
S'émerveiller en Amérique et y faire un bonhomme de neige comme les enfants, je trouve ça attendrissant, un bonheur enfantin de jouer avec la neige.
M
J'ai tu ou plus exactement le tu est absent, il ne s'agit pas de cela.
M
M'étonnerais beaucoup ... pas perdu c'est certain ou le hasard est grand, je ne me ferai pas prendre à la rame et même si la voile ne m'est d'aucun secours, le piège est trop gros, j'aurais pu marcher si tu n'avais pas mis de titre.
A
A la surface, pétrole? ou pétale, ou pétoche?<br /> <br /> Tu m'a volé ma boussole et je me perds.
M
Le fond du lac est agité de tempêtes.A la surface : pétole.
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