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7 mars 2006

30. La coiffeuse de l'Idaho #2.

Nous étions l’avant-veille du grand départ et la question devait être réglée avant que la porte du pavillon soit fermée pour longtemps. On devrait m’inscrire au Guinness des records. Prendre rendez-vous chez un coiffeur à 10 000 km d’ici je ne suis plus à 1 000 km près, une heure avant l’heure réglementaire de l’ouverture, pour coiffer quelqu’un qui n’est même pas du quartier en deux fois moins de temps que requiert la pratique des potins indispensables à un travail bien fait est une performance que j’ai oublié de faire constater par huissier. Sinon j’y serais, dans les records.

Nous étions en avance malgré la courte nuit de Boise, et à 8 heures tapantes dans le ville encore déserte nous nous présentions, voiture chargée et énergie intacte, devant le fameux salon. Un charmant sourire obèse nous y attendait déjà, lui aussi en avance, trop peur de rater le coche de cet étrange rendez-vous sans doute. Sourire obèse et petite voix Rose Murphy. ‘Aliénor laissée entre les mains de la belle Rose, il me fallait tuer le temps, surtout ne pas s’énerver. J’ai effectué quelques emplettes dans un de ces magasins à tout vendre que l’on trouve un peu partout dans le monde. Nous pourrons ainsi supprimer un second arrêt biologique, le plein après le vide. Eau, vitamines, biscuits énergétiques, un vrai gueuleton de cosmonaute.

Au passage, j’en profite pour une petite coupure publicitaire. J’ai acheté une glacière de voiture, quinze dollars, comme seuls les américains doivent être capables d’en imaginer. Elle se glisse partout, et même remplie jusqu’au toit comme une voiture immatriculée en Belgique à l’embarcadère de Malaga, elle trouve encore un endroit où se caser. Et on peut mettre à l’intérieur de quoi boire frais assez pour survivre dans la vallée de la mort pendant trois jours. Plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur. Nous pensions la jeter avant de prendre l’avion du retour, nous n’avons pu nous y résoudre et elle encore là, à Carrefour-sur-Gambette, et nous accompagne à chaque escapade.

Puis j’ai un peu dormi dans la voiture. Autant retrouver un peu du sommeil perdu la veille, autant d’arrêts en moins à prévoir. Puis j’ai observé le nonchalant réveil de la ville, les gens qui s’interpellent, les voitures qui zigzaguent pour éviter trois essaims de guêpes qui viennent de surgir à la recherche d’un point de chute. Je ne bouge pas de mon siège, je tente de me souvenir comment peuvent être construits les tuyaux d’aération de la voiture et je ferme toutes les écoutilles possibles, sans trop savoir si c’est utile ou non, et je surveille la porte de la coiffeuse, il ne faudrait pas que ‘Aliénor arrive sans rien remarquer sinon trop tard. L’un d’entre eux se met à vrombir devant mon pare-brise et le bruit est impressionnant. J’ai perdu mon sens de l’humour, mon arrogance coutumière, et la superbe élégance qui m’a rendu célèbre. Vous ne le saviez pas ? Moi non plus, mais si tel était le cas, je peux vous dire que je les aurais perdus.

Pourvu qu’il y ait bien des filtres dans les tuyaux.

Finalement, un catxcat rouge ne leur a pas semblé si commode pour essaimer, et le monstre tremblant et vert à l’intérieur ne leur a pas paru bien comestible. Elles sont allées se faire polliniser ailleurs, et moi j’ai retrouvé ma respiration. J’ai marqué sur mon carnet de bal aujourd’hui passé indemne au travers d’un essaim furieux.

‘Aliénor est sortie toute fraîche avec un quart d’heure d’avance, bon on pourra prendre un café de plus en route, juste pour laisser entrer la première cliente de la journée, toute étonnée de ne pas être la première et toute émoustillée à l’idée de l’histoire quelle allait devoir écouter. Des racines il n’y en avait plus. En prime, elles étaient agrémentées d’une choucroute façon été 1958 du plus bel effet, du moins était-ce le millésime sur lequel ‘Aliénor était tombée et, selon ses explications, le seul que la belle Rose connaissait.

Je l’ai consolée, une bonne douche et il n’y paraîtrait plus rien, tout serait comme avant sans les racines, mais rien à faire. Elle restait songeuse et contrariée. Ce n’était pas faute d’avoir tenté de lui expliquer, à Rose, patiemment et en langue locale ce qu’il fallait lui faire et ne pas lui faire, mais en vain. Le sourire de Rose était implacable.

‘Aliénor sentait bien qu’elle avait perdu une bataille, celle du vrai chic parisien.

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Commentaires
M
Je savais qu'il manquait quelque chose entre la prise de rendez-vous dans le salon et la prestation irréussie de Rose - du point de vue de Madame Aliénor - c'est la tasse de café qu'elle ne lui a pas offerte : ça se pratique dans les bons salons qui se respectent, inconnu en Amérique probablement.
A
Marie, tu me donnes le titre que je ne trouvais pas. Encore un peu de temps, et tu l'auras.
M
La robe qu'il eût fallu à Madame. Rose en aurait perdu les épines.
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