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12 octobre 2005

15 - Les animaux du haut.

Bon, je vais aussi mettre le numéro des billets dans le titre. Je perds le fil sinon.

15.

Ils nous regardent passer, placides, silhouettes familières et sombres qu’on a cru un temps disparues. Le premier que nous voyons est au bord de la route, et broute comme si l’homme blanc n’était pas là, comme si nous n’existions pas. Superbe ignorance. Il en a vu d’autres, probablement, il a compris qu’il est trop chez lui et nous pas assez, et que tous nos instincts ne parviendront pas à l’anéantir. Il s’en est pourtant fallu de peu.

C’est pourquoi un je ne sais quoi de menaçant dans son air bonasse nous dissuade de trop nous approcher pour la photo, clic Aliénor caresse le flanc, clac andrem touche la corne. Nous renonçons à immortaliser notre premier bison.

Nous nous intéressons aux chiens de prairie, qui gambadent par centaines autour de leurs terriers en parsemant le silence de leurs aboiements aigus. Vexé, le bison s’en va sur la crête la plus proche, histoire de nous faire le coup du profil parfait sur le ciel enfin bleu. Nous la tenons, notre photo.

Nous reprenons la route, c’est elle qui nous reprend plutôt ; nous nous faufilons dans les recoins des falaises blanches découpées par les orages, dans ces dentelles de marnes et de tufs, dans ces sculptures d’air et d’eau. Nous contemplons le soleil couchant et le soleil levant, et le jeu incessant des couleurs. Nous ne nous résignons pas à cette frontière double, celle qui sépare le bas de son haut et celle qui sépare le jour de son lendemain, espace et temps mêlés et inextricables ; tous les prétextes sont bons pour rester entre deux et la beauté du lieu est le plus solide des prétextes. Nous descendons tous les chemins qui reviennent dans la plaine, nous remontons la route qui donne la bonne direction, nous évitons la sortie indiquée pour emprunter, que dis-je, pour voler la piste interdite, pour gagner du temps, c’est-à-dire pour le perdre, bien sûr.

Nous accompagnons des troupeaux entiers de bisons et des antilopes bondissantes dans les hautes herbes ; des oiseaux de proie font leur métier d’oiseaux de proie, ils tournent en rond, je serais chien de prairie je n’en mènerais pas large ; nous montons au sommet qui domine ces mauvaises terres, mille mètres d’altitude et quelques brouettes, où nous nous asseyons dans le vent, juste pour voir.

Rien n’y fait. On a tourné le sablier et la frontière est franchie avec la rivière Cheyenne. Même si le paysage ne correspond pas encore nous sommes dans la montagne, dans l’Ouest le vrai, sans fard ni loi. Il n’est plus de retour en arrière possible.

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Commentaires
M
Retour en arrière, non ! mais retour quand même, non ?
M
Bison, langue comprise - dans le prix évidemment.
M
Les bisons que l'on montre sur le vieux continent aux enfants des écoles semblent moins farouches, semblent. Sont-ils résignés ? ou alors ils comprennent la langue.
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