Après le Mississipi.
5. - Sur l’autre rive, la montée vers les plaines est interminable. Chaque sommet de côte révèle une autre côte, et il faut cinq, dix, quinze kilomètres de route pour arriver au sommet suivant. A croire que les plaines se soulèvent au fur et à mesure que nous avançons.
Nous commençons à avoir l’habitude. Nous découvrons, bien après nous y être installés, que nous y sommes, dans la platitude. Voilà mon Amérique enfin, loin devant moi, gigantesque et subreptice. Je vous promets que je n’utiliserai plus le mot gigantesque. Mais je sens que je vais avoir du mal, comment trouver un autre mot, je n’aime pas les synonymes téléphonés.
Non, je ne promets pas. Je ne réponds jamais de rien quand je commence à écrire, même pas sur quoi je vais écrire. Du moment que j’ai l’impression que vous puissiez avoir l’impression que ce n’est pas inutile, j’aligne mes caractères et mes polices avec une détermination brouillonne que m’envierais presque notre ministre d’icelles. Tiens, par exemple, je m’étais dit, et je l’avais imprudemment proclamé, que mes 15 000 Km de voyage à 15 000 dollars tiendraient bien dans 15 000 caractères. Il est évident que je vais largement dépasser le quota, j’ai déjà dévoré plus du tiers de mon capital, 5 574 me dit la machine. Je pars derechef à la banque à caractères et ses polices, faire un emprunt pour atteindre les Rocheuses.
à suivre.